FROIDEUR ET RÉALISME
Les secrets de la personnalité du président de la République
Par MAMADOU SY
Le président de la République, Macky Sall, reconduit à la tête du Sénégal présente un visage double. Certes, la froideur et le réalisme distinguent l’homme politique. Et il pourrait surprendre plus d’un sénégalais au cours des prochaines années, en raison de son état psychologique très froid, doublé de ses capacités politiques à passer du président le plus consensuel et fédérateur, à ce président solitaire, résolument seul maître à bord qu’il est, de fait, devenu.
Les responsables de la coalition Benno Bokk Yaakar mettent assez souvent en relief le caractère durable de l’unité scellée depuis mars 2012. Elle a en effet survécu au premier mandat. Elle pourrait encore tenir longtemps. Ce trait distinguerait cette alliance des autres formes de regroupement sous les règnes des présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Les alliances antérieures au Benno de la seconde alternance n’ont pas tenu longtemps. La raison de la longue ou de la courte durée d’une alliance n’est pas pourtant si simple à expliquer. On peut penser que les rivalités entre les leaders des partis alliés et les hiérarchies des appareils politiques ont été, en général, les principales sources de mort rapide des alliances électorales et /ou des coalitions gouvernementales.
On citera, à titre d’exemple, la coalition Sopi. Elle a éclaté quelques années seulement après l’avènement de la première alternance, moins d’un an si l’on considère la rupture avec Moustapha Niass comme point de départ de son éclatement. Les rivalités entre les responsables et les appareils des principaux alliés de l’époque et les oppositions de personnalités et d’humeur des leaders avaient accentué les suspicions, les susceptibilités, les intérêts de groupes. Ce qui déboucha sur des conflits de préséances ou d’orientation. Les effets de ces batailles de positionnement à l’intérieur du camp des libéraux, et entre les libéraux et leurs alliés progressistes et de la gauche, ont débouché sur la séparation.
Les alliances plus anciennes, durant les années 1990, entre le Parti socialiste et le Pds, d’un côté, et plus tardivement, les alliances entre le PS et les autres forces de gauche de l’autre, notamment, le PIT, n’ont pas duré longtemps. On ne peut évoquer des rivalités significatives à cette époque. Le Parti socialiste était resté la locomotive de ces types de regroupements élargis aux forces acceptant de jouer pleinement le jeu du compromis historique avec Diouf et sa formation. L’éclatement de ces regroupements noués autour du PS n’a pas entrainé une défaite électorale ou la perte du pouvoir. C’est plutôt, les dissidences internes qui vont précipiter la perte du pouvoir par le président Abdou Diouf.
Le Benno Bokk Yaakar doit certainement sa durée, plus longue, comparativement aux coalitions antérieures, à des facteurs politiques, sociaux, humains et historiques plus complexes que l’absence ou non de rivalités et de guerre de positionnements. La personnalité du président de la République, Macky Sall pèse de tout poids sur le jeu de rôle et d’intérêts dans la gouvernance commune avec ses alliés.
La froideur du président de la République élu en mars 2012 peut être un facteur non négligeable à la longue survie du Benno. Le traumatisme de la défaite libérale en 2012 et son cycle de crises internes doivent être intégrés dans cet état psychologique du premier président du Sénégal né après les indépendances. Il a été un acteur du premier changement de régime. Il était conscient des risques de la désunion et averti des enjeux du gouverner ensemble.
Ses alliés semblent, eux aussi, conscients de l’impact négatif de l’échec de la coalition Sopi sur les partis alors coalisés et sur la préservation du pouvoir. Froidement, le président Sall met en œuvre une stratégie de la terreur individuelle et collective. Elle a l’avantage de souder les rangs des alliés autour de sa personne : si nous perdons, nous retournons tous dans l’opposition avec les conséquences des dures réalités du statut d’opposant chez nous.
Ce mécanisme, à la fois du domaine politique et du psychologique, fonctionne à merveille. Aucun des partis du Benno ne peut réussir à gagner une élection majeure et gouverner. Ce calcul réaliste cimente l’unité du Benno. Les rivalités existent. Les divergences sont indispensables. Tout se règle en famille à l’interne. Le réalisme nourrit ainsi le Benno Bokk Yaakaar. Le Président et ses alliés acceptent la contrainte de l’unité politique électorale et le « gouverner ensemble », sous la direction exclusive du Président élu.
C’est la nouveauté du Benno. C’est ce que le Président de la République apporte à sa coalition. Il est le souffle fédérateur. Le deuxième mandat est fortement placé sous le signe de la froideur et du réalisme. La suppression du Poste de Premier ministre est inscrite dans cette logique de la personnalisation du pouvoir, de la froideur et du réalisme.
Plus de chef de gouvernement !
Plus de ministre plus important que les autres, en dehors de l’indispensable et traditionnelle hiérarchisation protocolaire ! Plus de rivalités et de guerre de positionnement à l’intérieur du parti présidentiel et de la coalition ! Le président de la République est le seul et l’unique maître à bord du navire. La froideur de cet état d’esprit et ce réalisme politique à renoncer à tous les conflits, sources de perte de pouvoir et de crédibilité des alliés, constituent assurément, la contribution historique de Macky Sall à la gouvernance politique commune et à l’animation des coalitions politiques hétérogènes.
Mamadou Sy Albert
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