Cet espace du Clin d’œil, reprend une habitude de ses début : à la demande de quelques auditeurs : publier la version écrite de nos chroniques du mardi sur la Rfm. Nous nous y attellerons tout en restant attentifs à l’animer par des billets d’humeur (première vocation de ce Clin d’œil) que nous inspirerait l’actualité – et exclusivement destinés à psknews.com.
[CHRONIQUE DU MARDI 30 AOÛT]
JEU DE DUPES
Les vagues de migrants africains, noirs, qui continuent à frapper aux portes de l’Europe, si d’autres vagues – celles de l’océan- ne les avaient engloutis avant, interrogent le présent déprimant des sociétés africaines, des pays africains, impuissants devant un ordre mondial injuste ; ces vagues de desperados interrogent aussi le futur inquiétant d’un continent qui, au plus mal aujourd’hui, voit ses forces vives, sa jeunesse, son avenir donc, sacrifiées sur l’autel d’un bien-être économique individuel incertain, qui, à bien des égards, peut s’avérer un leurre. Mais elle interroge également le passé, cette déferlante déshumanisée, proie au trafic humain, à l’exploitation multiforme dont les abus sexuels mercantiles ou non, avant de sombrer pour un très grand nombre dans les noirs abysses, cimetières sans sépultures autres que le ventre de requins et autres êtres marins.
C’est devenu banal aujourd’hui, d’apprendre par les médias qu’une embarcation bancale, avec 102 migrants africains noirs à bord, a disparu au large de l’Espagne ou de l’Italie, et de passer sur une autre chaîne, pour, sinon le président Trump tweetant une éructation raciste, voir qu’en Europe même, quelque part, des bonnes volontés autochtones – bonnes volontés, je suppose seulement- ont invité à une table ronde, un forum, une joute, une ou deux sommités africaines de l’activisme, reconnues et appréciées là-bas surtout, à débattre de la problématique de l’immigration clandestine.
Ces gens peuvent être sincères dans leur engagement, mais dans ces débats, ils convoquent souvent l’idéologie- et encore celle-ci ne peut se décliner que sous forme de slogans, les temps de parole étant limités. Or les idéologies sont des impasses, même pleinement déclinées, parce que, sinon ouvertement contestées – ce qui mène au dialogue de sourds -, leur sont sournoisement opposées d’autres idéologies maquillées en faits et réalités économiques ou sociales ou politiques, tout étant bon pour justifier les barricades posées par l’Europe à ses frontières, principales causes de tous ces drames.
Or l’Europe est injuste, sinon malhonnête, principalement la France qui, à travers l’histoire, et encore aujourd’hui, est le pays ayant le plus profité, économiquement et politiquement, des relations inégalitaires entre Européens et Africains. Ils le savent très bien, les dirigeants européens. Et aujourd’hui que nous, Africains, ne sommes plus étonnés comme nos ancêtres devant le miroir et le fusil, que nos enfants créent des logiciels, que l’information circule à la vitesse de la lumière dans un monde qu’ils ont voulu, mais dont ils n’avaient pas prévu tous les effets pervers sur leur système, au lieu de se rendre à l’évidence, et d’accepter les règles du jeu de “leur” Mondialisation, toutes les règles, et pas une sélection de celles-ci, au lieu de cela, ils rusent avec la réalité. De mon point de vue, l’un des tours de passe-passe les plus flagrants, destinés à nous distraire plus qu’à autre chose, c’est cette cuisine concoctée par Macron consistant à nous rendre les sculptures et objets d’art et de culte divers illégalement pris – c’est-à-dire volés – à l’Afrique à travers l’histoire. En avouant cette faute, en l’expiant, pense-t-il, nous rendant nos biens cultuels et culturels, le président français veut s’acheter à trop bon compte à mon avis, une conduite.
Car – pourquoi n’y a-t-il-il pas pensé, et pourquoi personne n’y a pensé pour lui ? -, ce qui vaut pour les statuts et poteries vaut également pour l’or, le diamant et toutes ces richesses razziées dans les mêmes conditions que les objets d’art.
Et, je ne sais pas pour les minerais industriels, mais tout l’or pillé par la France, en Afrique essentiellement, à été moulé en briques et gardé en un seul endroit : la Banque de France, mieux sécurisée que l’Élysée. Il n’y aura pas autant de travail que pour les statuettes pour en faire l’inventaire.
Je ne caricature rien, je voudrais juste que les dirigeants français arrêtent de nous prendre pour des enfants; et que, pour notre part, nous, nos dirigeants, nos intellectuels soyons moins enclins à entrer dans des jeux de dupes si promptement que n’importe quel observateur sérieux douterait de notre intégrité.
Si Macron veut se dédouaner du pillage esclavagiste et colonial de l’Afrique par la France, nous rendre nos objets d’art, c’est très bien, mais mettre toute la problématique des soustractions illégales sur la table, quitte, rien qu’à en discuter serait plus honorable pour lui et respectueux pour nous.
[CHRONIQUE DU MARDI 23 JUILLET]
LA CASSURE ET LE CIMENT
Comment dire l’indicible ? Comment comprendre la cassure entre ceux qui, dans ce pays, ont décidé que nous sommes au bord du désespoir – qui ont donc choisi de procéder à des marches de protestation sans fin, pour y remédier – et ces autres, presque nous tous, paradoxalement, qui nous sommes enflammés de patriotisme, de rage de vaincre et d’espoir – ce fort sentiment que demain tout sera possible -, juste pour une belle Can offerte à notre soif d’orgueil par de jeunes gens aux épaules bien frêles pour porter nos espoirs et nos désespoirs, notre patriotisme ? Ils n’en demandent certainement pas tant, ces jeunes professionnels du ballon rond, mais le destin les a placés là …
Cette communion autour des Lions du football, avant même qu’ils n’atteignent la finale de la CAN et jouent ce grand match, communion magnifique, qui a fait du drapeau national un objet d’une grande esthétique, auquel ne se sont refusées ni les grandes dames en robes de grands couturiers aux couleurs nationales, ni de jeunes élégantes sanglées dans des débardeurs bariolés bricolés par quelque tailleur du coin ou coiffées de bizarres toges tricolores étoilées, sans parler des voitures et calèches, des costumes des cravates, des chaussures passementées de vert jaune rouge ; cette foire joyeuse et colorée, opposée à la déprime dans laquelle les viols suivis de meurtre, les violences faites aux femmes, la pédophilie montante dans les daara, les querelles politiques sans fin, les polémiques sans queue ni tête autour du pétrole, les révoltes y afférentes, sincères ou surjouées, des semaines ayant précédé la Coupe d’Afrique, ont fait revenir des souvenirs de lecture dont j’ai retenu ces fortes paroles – elles sont de Charles Baudelaire dans les Paradis artificiels – : “La lutte et la révolte impliquent toujours une certaine quantité d’espérance, tandis que le désespoir est muet. Là où il n’y a pas de remède, les plus grandes souffrances se résignent”- fin de citation. Là où il n’y a pas d’espoir, il ne peut non plus y avoir de fêtes du genre que nous nous sommes offertes avec cette coupe que nous n’avons pas gagnée, mais que nous avons bue jusqu’à la lie, samedi au retour des Lions du foot, célébrés de l’aéroport de Yoff au Palais de la République.
Autant il faut une bonne dose de confiance dans l’avenir pour fêter spontanément et de cette façon massive un espoir déçu ; autant faut-il espérer en tirer quelque chose pour descendre dans la rue tenter de contraindre un gouvernement.
Nous sommes donc, que nous soyons fougueusement rageusement France dégage, ou mollement conscient qu’aucun pays, y compris les États-Unis, n’est totalement indépendant – regardez leur indolence devant l’assassinat du Journaliste Jamal Khashogi, par peur de perdre des marchés saoudiens – alors que si c’était un pays africain “lamda”… Nous sommes, dis-je, un peuple plein de luttes et de révoltes, mais aussi, et donc, de grandes espérances pour l’avenir.
Ce qui fonde notre confiance dans l’avenir de ce football, avenir que nous fêtons plus que la présente performance de l’équipe de Cissé, fonde également, et symboliquement, notre confiance dans l’avenir de ce pays, en tant que démocratie républicaine où l’on peut protester un jour contre un gouvernement sur une place publique, puis le lendemain, danser en compagnie de ce même gouvernement sur la même place. Que ce soit grâce au sport, pour une coupe gagnée ou perdue, que ce soit pour la politique, après des élections transparentes là aussi gagnées ou perdues ! Il restera toujours quelques problèmes à régler, mais ça ressemble à un beau pays. Allez demander aux Algériens ce qu’ils paieraient aujourd’hui pour même un peu de ça !
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