GOUVERNANCE : L’IMPERATIF D’UNE COMMUNICATION INTELLIGENTE
La nécessité de communiquer constitue un impératif pour tout gouvernement en charge de la conduite des affaires publiques. L’exercice de cette obligation pour les gouvernants de communiquer devient un impératif dans les contextes de crise ou de conflits ouverts entre les gouvernants et les gouvernés. La réussite de l’accomplissement de cette exigence dépendant toutefois des capacités du pouvoir étatique à communiquer en intelligence avec l’opinion. L’actualité de la contestation de la hausse du prix de l’électricité impose au gouvernement une communication à la hauteur de ses responsabilités publiques.
« Le gouvernement ne reculera pas, force restera à la loi ! » Cette expression revient assez souvent à chaque fois que le pouvoir politique affronte des contestataires se raidissant sur une décision politique ayant des conséquences économiques et sociales néfastes sur les conditions de vie déjà précaires de larges franges de la population, le pouvoir d’achat des citoyens et sur l’activité économique. La protestation continue des marcheurs contre la hausse du prix de l’électricité laisse penser que le gouvernement ne reviendra pas sur cette mesure en dépit de la radicalisation des acteurs de la société civile, de la colère des consommateurs et du soutien des acteurs politique. Ils marcheront dans les prochaines semaines. Le gouvernement ne bougera pas d’un iota.
L’Etat se chargera alors de faire régner l’ordre : autoriser, interdire, réprimer les manifestants récalcitrants. Ce scénario de la radicalisation sociale contre la hausse et l’exécution définitive de la décision se doublant d’un durcissement dans la gestion des futures marches pacifiques place la communication au centre du dénouement heureux ou violent de ce conflit social. C’est à la fois un impératif et une obligation éthique de communiquer. Quelles que soient la fermeté et la rigueur mises en œuvre pour faire appliquer et endosser cette décision, le ministère en charge de la question, ses collaborateurs et le gouvernement seront contraints de communiquer au regard de la puissance d’influence des futurs mouvements sociaux à Dakar et à l’intérieur du Sénégal.
Cet exercice de communication contraignant va être probablement encore plus difficile à mener quand on constate que les explications techniques et financières servies n’ont pour l’heure produit aucun effet, sinon la radicalisation citoyenne et des acteurs politiques. Il faudra certainement plus d’intelligence dans la communication de l’autorité administrative et politique. Au-delà la dénonciation de l’augmentation du prix de l’électricité dans son principe, les protestataires exigent des comptes, en l’occurrence, l’audit de la société d’électricité et une meilleure gestion transparente de la Senelec. Le pouvoir devra composer intelligemment avec les évolutions de cette contestation grossissant, son ampleur, ses conséquences sur le tissu social et économique. C’est une responsabilité publique. On ne peut ignorer royalement un mouvement social en expansion et ses effets dans d’autres secteurs nationaux.
C’est au gouvernement de montrer une bonne volonté politique de trouver une issue heureuse à un conflit de gouvernance d’une denrée très délicate. Ce qui touche à l’électricité touchera en vérité à tous les secteurs de la vie économique, du bien-être social et de la gouvernance des ressources publiques. L’électricité n’est point une denrée de luxe. Elle devient indispensable à la vie en société. La ville et la campagne en dépendent très fortement. Le gouvernement devra éviter de répéter les situations critiques antérieures que le Sénégal a connues avec, notamment, des drames sociaux et économiques au sein de la société d’électricité. Gouverner, c’est aussi être capable de prévenir, de gérer le prévisible et l’imprévu par ses capacités à communiquer en intelligence avec les protestataires et l’opinion publique.
Les espaces de dialogue et de négociation ne doivent jamais être fermés de manière hermétique. Cette communication en intelligence avec les acteurs protestataires permet d’envisager des alternatives en fonction de la gravité des remous sociaux : suspension, annulation, report. A défaut d’une communication intelligente, le gouvernement risque simplement de se couper des consommateurs et de l’opinion publique nationale. L’impopularité de la décision ne souffre pas de doute. Le contraire aurait surpris.
Les socialistes et les libéraux ont connu des heures sombres avec les coupures d’électricité. Ils ont perdu le pouvoir pour diverses raisons. L’électricité fait partie incontestablement des causes sociales et psychologiques de l’insatisfaction et du ras-le-bol des années 1980 et 2000. L’erreur des Républicains serait de croire que l’augmentation du prix de l’électricité aura peu d’effets sur les ménages et sur l’opinion publique. Elle peut avoir des effets aussi nuisibles que l’insatisfaction et la révolte nourries par les coupures récurrentes d’électricité. Le ressentiment de l’injustice sociale et économique peut secréter des malentendus insoupçonnés par les gouvernants. Tout est en réalité dans l’intelligence dans la communication sincère avec son peuple, mécontent légitimement des effets néfastes sur son vécu quotidien de la décision d’augmenter le prix de l’électricité.
Mamadou Sy Albert
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