DEMAIN, UN SÉNÉGAL NARCOTRAFIQUANT ET DE LA CONTREFAÇON MONÉTAIRE
L’interpellation du parlementaire sénégalais, Seydina Aliou Fall, alias Boughazéli, à propos d’une affaire de contrefaçon monétaire estimée à plus d’une trentaine de milliards de francs C.F.A n’est pas en soi une première dans notre pays. D’autres affaires ont eu cours ces dernières années. La série des affaires de contrefaçons de l’argent se suivent et attestent de la présence de groupes organisés dans ce domaine se transformant en une partie intégrante du marché international du blanchiment et de la cybercriminalité financière. La filière de la drogue se développe au même moment et prend des proportions inquiétantes, à cause des quantités saisies et de la récurrence de ce phénomène mondial. Le Sénégal se transforme en une plaque tournante de la contrefaçon monétaire et de la drogue dure.
Le faux sur la monnaie n’est point un phénomène récent au Sénégal. Il existe depuis des décennies. Les services nationaux de la douane, de la gendarmerie et de la police sont plutôt habitués à interpeler des acteurs utilisant tous les moyens de transport public et privé pour mener des opérations d’envergure nationale et / ou internationale. Ce qui est certainement une nouveauté incontestable est l’ampleur des quantités de drogue saisies et le profil des acteurs impliqués dans ce trafic fortement sous le contrôle de groupes mafieux internationaux opérant sur tous les continents, singulièrement en Afrique et dans les pays Latino- Américains. L’affaire des faux billets impliquant un parlementaire, militant de l’Alliance pour la République, représente un indicateur grandeur nature d’un tournant de la contrefaçon au Sénégal, dans les pays limitrophes et environnants. C’est la première fois qu’un acteur politique, de surcroît un député, est mêlé de manière flagrante à une affaire de cette nature, pour des sommes estimées, selon plusieurs sources concordantes, à plus d’une trentaine de milliards de francs C.FA.
Cette affaire impliquant un membre de l’institution parlementaire ayant en charge le vote des lois, le contrôle de l’action gouvernementale et l’évaluation des politiques publiques, fait revêtir à l’évènement un caractère éminemment politique. La contrefaçon a jusque là été circonscrite dans les espaces des acteurs des groupes du crime organisé. Ce qui se passe au Sénégal à travers cette affaire et bien d’autres incriminant des artistes, ouvre un nouveau champ de connexions entre le crime organisé et la sphère politique, d’un côté et la galaxie de la culture et des affaires, de l’autre. Les institutions républicaines ne sont plus épargnées par les divers réseaux du faux et du trafic de drogues.
Pendant que la contrefaçon élargit ainsi son champ d’action et son influence – au cœur du pouvoir étatique et de l’univers du monde des affaires et de la culture -, la drogue dure pénètre de manière massive au Port autonome de Dakar, à l’Aéroport international Blaise Diagne et aux frontières poreuses du sud et du nord du Sénégal. Ce sont des quantités estimées à des milliards de nos francs qui sont saisies en quelques mois. La récurrence de ces faits graves témoigne, si besoin en était, d’une transformation fondamentale de la position géostratégique du pays.
Le Sénégal n’est plus seulement un pays touristique où il est agréable de passer un séjour ou des vacances. Il n’est plus non plus, un ilot de paix et de jouissance des libertés. Quelque chose est en train de prendre corps en matière de contrefaçon monétaire massive et de circulation de la drogue. La perte des valeurs culturelles, l’accélération de la pédophilie et des pratiques contre nature entretiennent des liens étroits avec la percée des trafics de toutes natures. Ces phénomènes complexes vont ensemble et se nourrissent à la même source de l’argent sale, de la violence et de la criminalité.
La découverte et l’exploitation du pétrole et du gaz feront du Sénégal un pays attractif pour des investisseurs, des opérateurs économiques internationaux, des touristes, mais aussi pour le grand banditisme. La contrefaçon monétaire et la drogue suivent le plus souvent le développement de l’économie mondialisée et la mobilité des biens et des services. Et ce n’est guère un hasard, si tous les regards des experts du terrorisme international et de la criminalité sont braqués fréquemment sur le futur de l’intégrisme religieux musulman dans le sahel et singulièrement dans un pays connu par sa stabilité et son ouverture au monde, tel que le nôtre.
La transformation du Sénégal, plus spécifiquement de la région de Dakar en une plaque tournante de la drogue, du blanchiment et des jeux d’argent est une tendance lourde. Elle aura sans nul doute des conséquences sans précédent sur la stabilité du pays et ses équilibres. Le gouvernement devrait anticiper au regard de ce qui se dessine progressivement à l’horizon entre les lignes du blanchiment de l’argent sale et de la circulation massive de la drogue et des faux billets de banque.
Le renforcement de la sécurité et l’équipement des forces de sécurité et de défense doivent impérativement être accompagnés par une réelle rupture avec l’amateurisme politique, l’impunité par la couverture politique ou financière. La justice est un rempart contre l’économie du crime international organisé. Elle devra jouer son rôle de manière indépendante. La lutte contre le crime organisé l’exige. À défaut d’une ferme volonté politique, à la hauteur de la menace sur les finances publiques et l’économie de la sous-région, la lutte contre l’industrie de la contrefaçon et la drogue ne produira guère les résultats escomptés. Bien au contraire. Lorsque ces acteurs puissants financièrement et équipés techniquement affaibliront l’État, ses services techniques et financiers, le Sénégal basculera dans le marché des narcotrafiquants et de la contrefaçon industrielle et culturelle.
Mamadou Sy Albert
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