Par Pape Samba Kane

François Hollande a reculé sur la « déchéance de la nationalité pour les terroristes ». Après les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 à Paris, le Président français avait annoncé un certains nombre de mesures fortes destinées à protéger son pays de la menace jihadiste, dont celle-là, qui, parce qu’elle allait, par delà la condamnation, vers le bannissement, avait enchanté l’extrême droite. Cette dernière, depuis quelques années, se nourrit électoralement de militants de gauche excédés par les tergiversations du parti socialiste, sa valse-hésitation devant des choix, certes cornéliens, face aux tentations droitistes d’une population française dépassée par une sorte d’accélération de l’Histoire imprévue à son programme… Bref ! Hollande avait cru bien faire en demandant la déchéance de la nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme.
Cependant, comme dans toute démocratie véritable, il y eut des « pour », et des « contre » son initiative ; ce qui rendit celle-ci controversée, comme de juste dans une démocratie pluraliste. Mais ainsi que dans toute démocratie organisée, il fallait au président passer par les institutions habilitées à valider son initiative. Initiative Soutenue par son gouvernement, il va de soi. Il présenta donc son projet à l’Assemblée nationale qui l’approuva ; et comme le veulent les dispositions légales françaises, il la présenta au Sénat, qui la rejeta. Il lui fallait l’approbation des deux chambres pour faire passer sa loi ; il ne l’a pas obtenue, et hier, il a annoncé qu’il renonçait au projet. Pourtant, il aurait pu s’obstiner, car il lui restait un moyen juridique, constitutionnel d’obtenir gain de cause ; c’était de réunir le Congrès (les deux chambres rassemblées) pour lui soumettre sa loi. Et là, il avait des chances…
Mais François Hollande a un Etat à gérer, un pays à gouverner dans l’équilibre ; et une loi, si importante et urgente soit-elle, ne vaut certainement pas de bloquer un pays, de le diviser surtout en deux camps retranchés ! Et il y a bien un parallèle à faire avec ce qui s’est passé dans notre pays ces dernières semaines. Sans parler de la réduction du mandat du président de la République en son applicabilité ou non à celui-ci, de Macky Sall, auquel bien sûr et à raison, on peut penser ici, je mets le parallèle ainsi évoqué en relation, principalement, avec ces prolongations dans lesquelles on veut engager le référendum du 20 mars. Cette épreuve démocratique devait nécessairement être difficile, elle a été rendue pénible par la confusion sciemment entretenue autour.
Et aujourd’hui, qu’ils aient voté « oui » ou « non », qu’ils aient été pour ceci ou cela, sans s’être dérangés pour aller voter, qu’ils aient été sans opinion, ou tout simplement indifférents, les sénégalais sont soulagés d’avoir ce référendum derrière eux, comme on dit. Son détournement à des fins politiciennes électoralistes peut être vu comme inévitable, le résultat qui en est issu peut, et doit surtout faire l’objet d’examens approfondis, à la fois de la part de l’opposition, du pouvoir, de la chefferie religieuse plus ou moins partie prenante dans la politique, de la société civile comme des médias, pour en tirer des leçons utiles à tous. En premier, aux hommes politiques qui, qu’on le veuille ou non, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, donnent le ton, mènent la danse sur ce terrain-là de la politique, qu’elle soit grande ou petite – petite comme, malheureusement, elle l’est bien trop souvent chez nous, ces derniers temps.
Au lieu de quoi, c’est dans des recours en annulation du référendum qu’on veut nous embarquer : « On est en train de travailler sur une requête aux fins d’annulation de l’élection référendaire » (Oumar Sarr coordonnateur du Pds). Polémique garantie, au début, à la fin, et tout au long du processus ! La politique de la controverse, quoi ! Une chicanerie en chassant une autre. Une empoignade suivant une autre. Procédure contre procédure, instruction, poursuite, ergotage médiatique, et jusqu’à Dieu seul sait quand ! Mais quand-est-ce que ces gens travaillent-ils vraiment ? Je veux dire travailler utilement ! Sur l’éducation, qui est à vau-l’eau. Sur l’exploitation prochaine la plus rationnelle possible, et profitable au peuple de nos ressources naturelles, apparemment prometteuses, aux dernières nouvelles. Sur l’emploi des jeunes diplômés, et la formation professionnelle des autres. Sur l’agriculture, l’autosuffisance en riz … tous ces innombrables chantiers à ouvrir ou déjà ouverts.
Si on avait un conseil à donner, je veux dire si on avait vocation à donner des conseils, ce serait de dire aux gens du pouvoir de s’atteler à mener tous ces chantiers à bien ; et aux opposants d’observer attentivement le travail du gouvernement pour en tirer matière à s’opposer… véhémentement s’il le faut. Personne n’aurait rien à en redire si l’on sentait dans leur véhémence une réelle préoccupation pour l’intérêt général. Et non ce souci de partage de prébendes, de postes et de places sur le dos du peuple, sous prétexte d’appels à la concertation comme il en fuse de partout ces temps-ci. Et sur tous les tons, selon les tempéraments et la culture – je ne peux pas parler de classe, parce qu’il n’y en a, en aucun cas- : mielleux et flagornant, si c’est du Serigne Mbacké Ndiaye ; rageur et prétentieux si c’est du cheikh Tidiane Gadio – parce qu’il ose, ce dernier, penser et surtout écrire noir sur blanc, dans une diatribe hargneuse censée être un « appel à la concertation » : « Le reste (sic) des Sénégalais qui ont dit « Oui », même avec le préjugé bienveillant qu’ils l’ont fait de plein gré et en connaissance de cause… »
La suite, bien entendu, est sans intérêt, de même que l’était devenu à nos yeux, tout ce qui précède dans ce communiqué transmis à la presse, dès lors qu’il fallût aux Sénégalais ayant voté « Oui », la bienveillance enflée de « Dr Gadio », pour même qu’il puisse croire « qu’ils l’ont fait de plein gré et en connaissance de cause ». C’est quoi ça ? Voici la petite politique à laquelle on faisait allusion tantôt… celle qui n’a pour dispositif que l’amour éperdu de soi-même !

Pape Samba Kane