OTD ENTRE LES LIGNES DE LA REFONDATION DU SOCIALISME ET LA GOUVERNANCE PARTAGÉE
La refondation du Parti socialiste fut l’enjeu majeur du projet de modernisation de l’appareil politique socialiste au début des années 1990. Moins de trente ans après cette controverse encore actuelle, Ousmane Tanor Dieng laisse aujourd’hui, après sa disparition, un énorme vide dans le paysage politique sénégalais. Entre les lignes de son action politique sous les règnes des Présidents Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, la Refondation restera la ligne directrice d’un homme d’État discret avec de fortes convictions politiques et idéologiques, ancrées dans le socialisme démocratique du Président-poète.
Le Sénégal est frappé par la perte énorme de celui qui a su incarner la discrétion au plus haut sommet de l’État, au cours de ces dernières années. Il était une des pièces maitresses de la gouvernance de l’ancien Président de la République, Abdou Diouf. Ministre d’État en charge des affaires et des services de la Présidence de la République, il a su bâtir intelligemment sa trajectoire et son passage entre les mailles des filets politiques, dans une discrétion quasi absolue.
Il sera le chef d’orchestre de la gouvernance socialiste pendant près de deux décennies en mettant en œuvre les orientations du Président Abdou Diouf.
C’est probablement cette fonction capitale dans la stabilisation du pouvoir étatique, et la confiance qui le liait au chef de l’État et à son parti, qui fera de lui un rouage essentiel dans le fonctionnement de l’appareil d’État, du Parti socialiste et du jeu politique national par conséquent.
Le conflit ouvert, puis la séparation entre le Président de la République, Abdou Diouf, et son compagnon de route, et tout puissant second, Jean Collin, ouvriront largement à Ousmane Tanor le chemin de l’ascension vers l’exercice du pouvoir étatique.
Il sera ainsi un homme de confiance, un complice averti du traitement sans état d’âme des affaires publiques. Il sera le porteur de la problématique de la Refondation du Parti socialiste au congrès du PS de 1996.
Repenser le socialisme, ses valeurs cardinales, pour mieux prendre en charge les questions de gouvernance, de gestion et de management de l’État, est un des enjeux du porte-drapeau de la Refondation du Parti socialiste. Les technocrates portés au pouvoir avec l’arrivée du Président de la République, Abdou Diouf, à la tête du Sénégal, le débat ouvert par la refondation sera malgré tout inachevé.
Ousmane Tanor est désormais en mars 2000, entré dans les rangs de l’opposition au pouvoir libéral. Cette chute du Parti socialiste fera découvrir le visage éminemment politique de l’homme. Durant douze ans, Ousmane Tanor Dieng sera l’animateur principal du Parti socialiste évoluant dans les rangs de l’opposition radicale au régime libéral. Il sera de toutes les batailles politiques et idéologiques pour préserver à tout prix l’unité des socialistes, le renforcement de l’opposition républicaine et la préservation des grands équilibres du jeu politique et de la société sénégalaise ébranlée par les effets multiples d’une crise de régime sans fin chez les libéraux.
La refondation sera poursuivie dans l’adversité politique. L’homme reste un incompris politique, jusque dans son camp, en dépit de son apport inestimable dans la quasi-survie du PS, et la défaite du Parti démocratique Sénégalais en mars 2012 auquel il aura largement contribué.
Les adversaires de l’ex-dauphin présumé du Président Abdou Diouf seront les barons du Parti socialiste et les cadres historiques aspirant naturellement à prendre la direction des affaires de l’État et du Parti socialiste.
Ousmane Tanor Dieng mènera la bataille des idées, des projets de société, des convictions durant plusieurs années avant de devenir le chef incontesté des socialistes. La dernière révolte interne sera portée par les partisans de Khalifa Ababacar Sall et de la mairesse de Podor Aïssata Tall Sall. OTD gagnera cette bataille de la refondation et de la recomposition.
Au-delà de ces conflits internes propres à tous les partis ayant exercé le pouvoir étatique ou non, Ousmane Tanor Dieng aura été un refondateur. Il est à bien des égards un incompris politique dans les rangs des socialistes, et au-delà. Tout laisse croire que la personnalité de l’homme n’est point étrangère à ce malentendu historique entre lui et ses anciens camarades, d’une part et avec les acteurs politiques, d’autre part.
Ousmane Tanor Dieng est resté discret. Il n’a jamais transposé dans l’espace public des divergences au cœur de l’État et du Parti socialiste. Tout se traite de l’intérieur dans la discipline, la rigueur méthodique et objective et le respect mutuel. L’absence d’une communication politique au sujet de ces divergences réelles ou imaginaires explique, probablement, pourquoi de nombreux observateurs du paysage politique sénégalais ont véhiculé une image négative de l’homme. Il serait un responsable fermé, timide et violent.
Cette opinion négative colportée à tort ou à raison, a fait de lui, un dirigeant peu sensible à la contestation, acceptant difficilement le débat militant démocratique contradictoire. Certains ont même pensé à un moment donné de la gouvernance du Président de la République, Abdou Diouf qu’il représentait le pôle des fascistes, des arrogants et des partisans de la répression aveugle des adversaires du régime socialiste. La mort de cette forte personnalité politique du Parti socialiste, témoin d’une longue histoire de l’État, de la gouvernance politique et des partis qui se succèdent à la tête du Sénégal, laisse un vide. Il est énorme politiquement. Le chantier de la refondation demeure, sinon entière, en grande partie.
Le Parti socialiste est pris de court par cette soudaine disparition. Il aura du mal à trouver un homme de la carapace politique du disparu qui soit capable de combler le vide laissé par son Secrétaire général, son fédérateur et gardien du temple de Léopold Sédar Senghor. La majorité présidentielle sentira elle aussi, cette absence définitive d’un des conseillers spéciaux peut-être même, parmi les mieux écoutés par celui qui dirige présentement les destinées du Sénégal en raison de sa discrétion et de son sens des responsabilités étatiques.
Ousmane Tanor Dieng incarnera alors, à la fois la dimension d’un homme d’État confirmé et d’un chef politique parti à la reconquête du pouvoir étatique. Depuis l’avènement de la deuxième alternance jusqu’à sa mort, Ousmane Tanor a porté les habits d’un refondateur du Parti socialiste et de la gouvernance consensuelle. Il devient un des alliés les plus sûrs du Président de la République, Macky Sall, parmi les responsables de partis politiques alliés. Contre vents et marées soufflant à l’intérieur du Parti socialiste et de l’opposition en reconstruction sous la deuxième alternance, Ousmane Tanor Dieng restera fidèle à la refondation continue du Parti socialiste et à l’engagement du gouverner ensemble entre les Socialistes et les Républicains.
La majorité politique soutenant l’action du Président de la République, Macky Sall, ressentira elle aussi, d’une manière ou d’une autre, l’absence de celui qui a incarné l’esprit et la lettre du gouverner ensemble et de la refondation conduits de concert. La disparition du Président du Haut Conseil des Collectivités territoriales, Ousmane Tanor Dieng, ouvre ainsi une nouvelle page de l’histoire du parti socialiste, de la majorité présidentielle et du jeu politique en général. L’ombre de l’homme et les lignes de fracture de la refondation socialiste qui se révèleront après sa mort, pèseront longtemps sur le Sénégal et sur le deuxième mandat du Président de la République, Macky Sall.
Mamadou Sy Albert
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