ET UN NDËPP POUR CONJURER LA « MALEDICTION… »

Quelques-uns parmi les amateurs de satire se sont plaints de la trop longue absence de cette chronique de l’improviste ; d’autres, qui avaient pourtant manifesté, ici ou à travers les réseaux sociaux, leur intérêt pour cet espace ouvert en hommage au défricheur des voies sinueuses de la satire à la presse sénégalaise, Mame Less Dia, ont patiemment attendu. Ces derniers se souviennent certainement, ou ont mieux intégré ce qui a été annoncé par les animateurs de cette chronique, dès le principe – à savoir que sa fréquence irrégulière dépendrait de l’état des artères des retraités que PSK a sortis de leurs hamacs pour les mettre à la corvée. Nous avions évoqué seulement nos artères, nous aurions dû parler de notre état général.
N’est-il pas venu à l’idée de nos impatients patients (oui, la satire est une médecine contre l’ennui) que notre si long silence pourrait avoir à voir avec le ramadan ? – Il le fallait. Ce n’était que ça. Essayez de rire, pire, de faire rire, quand vous êtes torturé par la faim…
Bref, tout a une fin ; même le mois de la faim. Et c’est le mot de la fin de cette longue et palinodique excuse !
Nous avons besoin de toute notre énergie pour administrer à nos patients, et à nous-mêmes bien sûr, une dose souriante d’extrapolation, suffisamment forte pour compenser notre dérobade ramadanique, au-delà du mois réglementaire par ailleurs.
Et, bien sûr, cette grosse actualité qui pète le feu au-dessus de nos champs de gaz et de pétrole, nous interpelle. Laissons de côté la question centrale de ce feu (ce jeu) d’artifices financiers, de finasseries politiciennes, d’expertise – m’as-tu-vu, gros de toutes les explosions sociales ! À savoir, qui a dérobé quoi d’argent, combien et comment, si tant est qu’il en fût ainsi ! Le procureur de la République, qui est sorti face à la presse les yeux rouge de rage, on ne sait pourquoi -peut-être seulement l’insomnie- nous le dira sûrement un jour. Sinon, ce sera un de ces lanceurs d’alerte sur-médiatisés mis en orbite par ce reportage de BBC – qui n’apporte pas grand-chose de nouveau dans l’affaire, pour qui a seulement lu la presse sénégalaise depuis 2015. Certes, ils n’ont pas les moyens techniques de Julian Assange, nos lanceurs de, pétard peut-être mouillés, peut-être pas – une véritable loterie sur une question aussi grave ! Il y a de ces métiers qui ne sont pas faciles en pays pauvres !
Deux écoles s’opposent sur cette question de l’argent à traquer.
La première pense que ceux qui s’agitent, ou ne savent pas de quoi ils parlent – et ne pourront jamais rien prouver – ou sont des politiciens préoccupés seulement de positionnement et qui, donc, ne cherchent même pas à prouver quoi que ce soit, intéressés seulement à tomber le pouvoir actuel pour se mettre à sa place, et faire la bombance à sa place. « -Quitte à brûler le pays, ils manipulent le peuple », ajoutent les adeptes de cette école.
La seconde est persuadée qu’il y a anguille sous roche, et qu’après avoir trouvé la roche, il s’agira de réunir assez de force (de preuves donc) pour la soulever. Et là, Eurêka, le gros butin sera débusqué, et les pillards rendront des comptes au peuple; et surtout lui rendront son argent.
Le peuple, lui, est indécis. Il ne veut pas que son pays brûle, surtout pour rien du tout. En même temps, cet argent promis le fait saliver jusqu’à la déshydratation. Cette affaire divise et oppose violemment ces deux camps, mais ne laisse pas intact ce pauvre peuple, lui aussi divisé sur la question.
Cependant, ne perdons pas espoir. À chaque chose malheur étant bon, espérons seulement que la très redoutée Malédiction du pétrole – qui fait ailleurs des ravages sanglants et met des pays genoux à terre, s’arrête, chez nous, à ce cirque rhétorique entre gens qui parlent de ce qu’ils ne savent pas, et gens qui savent mais ne nous diront jamais ce qu’ils savent.
Tout, dans cette histoire pétrogazière n’est pas pour nous diviser, cependant. Il y a, au moins, cette crainte de ce qu’il est convenu d’appeler la Malédiction du pétrole qui nous rassemble. Mais si l’espoir fait vivre, il ne tient pas toujours ses promesses. N’espérons donc pas, béatement, que celle-ci s’arrête aux querelles en cours, et prenons les choses en mains. Nous avons des outils pour ce faire.
Et si personne n’y a jamais pensé jusqu’ici, c’est que nous sommes tous dans les vapes à cause de l’odeur de ces gisements de “Ginz” pas même encore sortis de terre.
Alors, n’attendons pas qu’ils sortent, il sera peut-être trop tard, au rythme où vont les choses et l’état dans lequel seront nos esprits.

Saint-Louis offshore ? Rufisque offshore ? – Les deux appellations des gisements sont affublées de l’adjectif « profond », pour indiquer que le pétrogaz marin dort profondément dans les abysses. Mais alors qui, à Saint-Louis et à Rufisque dort plus profondément dans les profondeurs marines que le gaz et le pétrole ? Ce n’est pas une colle, tout le monde le sait. Là, Mame Coumba Lamb, ici Mame Coumba Bang, génies tutélaires de ces villes habitées par la mer, leur royaume aux mystères insondables…
Enfin, pas si insondables que ça pour tout le monde ! Nous avons tous vu comment, face à des périls annoncés, y compris quand ces derniers prenaient racine hors de leurs territoires, ces génies bienveillants, contre de sanglants sacrifices, mais fort innocents (quelques taureaux noirs égorgés sur les plages), nous ont sortis d’affaire.

Alors un ndëpp à Saint-Louis, un autre à Rufisque pour demander aux deux Mame Coumba de rendormir les mauvais esprits réveillés par l’odeur de l’argent ?