Amadou Lamine Sall : le poète total.
Il est de poètes par intermittence ; il est des poètes de tous les instants. Amadou Lamine Sall est de cette seconde race rare. Il est poète, de la plante des pieds à la pointe des cheveux, il est poète de par tout son corps, de par toute son âme de par tout son être. Amadou Lamine Sall est un poète total ! Il naît à la poésie – pour le public – par une aurore dorée, prémices d’une trajectoire fulgurante, précisément avec un long poème, un chant mélodieux, intitulé : Mante des aurores. Nous sommes en 1979 et Roger Dorsinville, Haïtien accueilli au Sénégal par Léopold Sédar Senghor avec le Premier Festival mondial des Arts nègres de 1966, a choisi d’y rester en apportant à ce pays d’adoption son génie d’accoucheur, en littérature, de talents dormants insoupçonnés. Directeur littéraire des Nouvelles Éditions africaines du Sénégal (NEAS), il nous a conté sa rencontre avec le jeune poète, alors âgé de 28 ans. Directeur des bibliothèques publiques de mon pays, j’étais le plus jeune membre du comité de lecture de cette maison d’édition, et témoin du récit qu’il nous fit et que je reconstitue de mémoire. Dorsinville avait pressenti l’étoffe singulière qui sommeillait en ce jeune auteur venu lui présenter des œuvres poétiques, dont celle citée supra. Il le renvoie sans ménagement, avec l’ordre péremptoire de se remettre au travail, et l’intention manifeste de blesser son orgueil. Une blessure-catharsis salutaire ! Notre ami se remit au travail toute une nuit et aux aurores, Mante des auroresvoyait le jour et inaugurait une parcours poétique, long comme un sentier ensoleillé sans ombre ni pénombre, voilà presque quarante bonnes années. Je fus de ceux, nombreux, subjugués dès les premières lignes de ce long poème : « Je t’ai cherchée partout et nulle part entre la fleur et la tige entre le jour et la nuit parmi les rires du sommeil parmi les caresses de l’absence partout et nulle part… » Pourquoi la métaphore de la mante, dont le dictionnaire Le Petit Robert dit : « insecte carnassier qui dévore le mâle après l’accouplement » ? L’auteur a pris la précaution de sous-titrer son poème : Le chant reprendra. Et bien loin du carnassier, notre auteur est d’abord et avant tout un chantre de l’amour dans des accents qui émerveillent ! Et quel chant, par la symphonie des mots et la fulgurance des images ! Et quel souffle, marqué par une absence de ponctuation et de lettres majuscules au début de chaque nouvelle ligne. Le lecteur en est essoufflé, obligé de s’arrêter pour prendre un grand bol d’air pur, avec une grande et longue inspiration ! Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française en a témoigné par ces lignes : « Cher Amadou Lamine Sall, merci de m’avoir donné de connaître vos œuvres. Quel souffle, quelle force, quelle image, quel déferlement ! Il y a des accents bibliques dans vos poèmes et de l’épopée dans votre lyrisme » (2014 : 113). L’auteur s’en expliquera plus tard : il n’a pas de modèle en matière de versification. Et du reste, dès cette première œuvre, il a tracé ses sillons singuliers, selon une veine dont toute son œuvre témoignera ; une œuvre constellée de longs poèmes, après Mante des aurores : – Comme un iceberg […]
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